Le parcours du premier chirurgien orthopédique pédiatrique du Sénégal
Au Sénégal, pays de plus de 16 millions d’habitants, il n’y a actuellement aucun chirurgien orthopédique pédiatrique.
Les besoins sont immenses et immédiats. En l’absence d’un spécialiste sur place, les enfants sénégalais souffrant d’affections des membres inférieurs doivent attendre la visite d’un médecin provenant d’un autre pays.
Le manque de chirurgiens orthopédistes pour enfants dans le pays signifie que les pathologies des os peuvent prendre beaucoup de temps avant d’être traitées, et qu’elles ne le sont parfois pas du tout. Ces affections peuvent entraîner de graves handicaps et affecter considérablement la qualité de vie de l’enfant. Parmi ces pathologies osseuses, on peut citer le pied bot.
Le pied bot est une condition qui décrit le fait qu’un bébé naît avec un pied tourné vers l’intérieur ou vers le bas. Les tendons qui relient les muscles de la jambe au pied sont courts et tendus, ce qui fait que le pied est tourné vers l’intérieur. Une affection telle que le pied bot rend la marche difficile, voire impossible, pour l’enfant. Par conséquent, il est souvent impossible d’aller à l’école et de recevoir une éducation.
S’il est pris en charge, le pied bot peut souvent être réparé avec le temps, mais il faut pour cela que l’enfant ait la possibilité de consulter un orthopédiste.
Au Sénégal, dans la majorité des cas, les enfants et leurs familles n’ont d’autre choix que d’attendre la visite d’un chirurgien orthopédiste spécialisé, souvent issu d’une organisation non gouvernementale.
Cette situation perdure depuis longtemps, mais le Dr Mohamed Sabounji, de l’hôpital Aristide Le Dantec à Dakar, au Sénégal, s’efforce d’y remédier.
Alors qu’il effectuait son internat en chirurgie pédiatrique au Sénégal, le Dr Sabounji a pu constater de visu l’énorme déficit en matière d’accès aux soins de santé.
En voyant le nombre d’enfants qui avaient besoin d’aide, il s’est posé la question suivante : combien de souffrances pourraient être allégées s’il pouvait traiter lui-même ces cas ?
Cette question a fait place à un nouveau rêve – et aujourd’hui, le Dr Sabounji est en passe de devenir le premier chirurgien orthopédique pédiatrique du Sénégal.
La méthode Ponseti
Le Dr Sabounji a commencé à s’intéresser au traitement du pied bot en 2019, lors de sa troisième année d’internat au Sénégal. Il a reçu une formation de Mercy Ships sur la méthode Ponseti, une technique très répandue pour traiter le pied bot chez les nourrissons.
Moins coûteuse et moins invasive que la chirurgie, la méthode Ponseti est la référence en matière de correction du pied bot.
« Nous mettons les enfants dans un plâtre et ils gardent le plâtre pendant une semaine, puis nous enlevons le plâtre, nous manipulons le pied, nous mettons un autre plâtre, puis nous manipulons le pied de nouveau, et ainsi, sur plusieurs semaines, vous obtenez la correction », a déclaré le Dr Rachel Buckingham, chirurgien orthopédique bénévole à Mercy Ships.
La formation a changé la vision du Dr Sabounji : « C’est une expérience qui a changé ma vie, tant sur le plan personnel que professionnel. »
Création d’une clinique dans le pays
Le Dr Sabounji s’est associé à Mercy Ships pour créer une clinique spécialisée dans le traitement gratuit des pieds bots chez les jeunes enfants. En l’espace de cinq mois, il a traité 18 jeunes patients, et a pu observer les changements de plâtre et les exercices de rééducation qui ont progressivement corrigé leurs pieds tordus jusqu’à ce que les enfants puissent marcher avec aisance.
En 2020, l’Africa Mercy®, l’un des navires-hôpitaux de Mercy Ships, a quitté le Sénégal plus tôt que prévu en raison de la pandémie de COVID-19. Le Dr Sabounji a pris la décision de continuer à faire fonctionner la clinique au cours des mois à venir, la transformant ainsi en une ressource importante pour la communauté.
« Nous avons amélioré nos compétences et nous sommes devenus de bons praticiens du traitement du pied bot, si bien que nous avons aujourd’hui une clinique très active », a-t-il déclaré. « Nous traitons plus de 50 cas par an. »
Le pied bot
Les affections telles que le pied bot sont moins fréquentes dans les pays à revenu élevé, où la probabilité d’une carence en vitamine D est plus faible et où l’accès à des professionnels de la santé pendant la grossesse et l’accouchement est plus aisé, ce qui permet une identification plus efficace des problèmes potentiels.
« Si le problème survient, il est détecté beaucoup plus tôt et traité à l’aide de médicaments. Nous utilisons également différentes techniques chirurgicales pour les déformations très légères, afin de les corriger très tôt, avant qu’elles n’atteignent le stade que nous voyons ici au Sénégal », explique le Dr Rachel Buckingham, chirurgienne orthopédique bénévole avec Mercy Ships.
Un impact durable
Lorsque l’Africa Mercy est retourné au Sénégal au début de l’année 2022, le Dr Sabounji a repris son mentorat. Cette fois, il a travaillé avec le Dr Buckingham pour effectuer un transfert du tendon tibial antérieur, une intervention chirurgicale visant à corriger les récidives courantes du pied bot.
« J’ai eu beaucoup de chance de participer à ce mentorat, car il m’a permis de prendre part à l’ensemble du traitement du pied bot, du moulage aux récidives », a-t-il déclaré. « J’ai eu l’occasion de développer mon indépendance opératoire grâce à cette procédure et de recevoir la formation dont j’ai besoin pour améliorer mes compétences et ma confiance en moi. »
Le Dr Sabounji a maintenant fait bénéficier sa clinique de cette expérience, perfectionnant son métier pour devenir le premier chirurgien orthopédique pédiatrique du Sénégal.
Il rêve d’un avenir où les enfants atteints d’une maladie traitable pourront accéder immédiatement à un traitement au lieu d’attendre des années – et il est déjà en train de réaliser ce rêve.
« J’ai l’impression d’être devenu un meilleur chirurgien », a déclaré le Dr Sabounji à propos de son mentorat. « Je peux confirmer que cette expérience a dépassé tous mes espoirs et toutes mes attentes. »
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